Contexte :

Lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871, l’armée prussienne, forte de 150 000 hommes, investit la capitale le 19 juillet 1870.

Après la capitulation de Metz, le 27 octobre 1870, leur effectif sera porté à 260 000 hommes. Ils seront répartis sur une ligne de 83 kilomètres, soit en moyenne 3 hommes par mètre ! Toutes les hauteurs autour de la capitale sont occupées par des batteries d’artillerie de longue portée.

De 1858 à 1870, l’emploi des bouches à feu rayées, le chargement des obus par la culasse et l’utilisation d’affûts métalliques capables de tirer des obus oblongs sous un angle de 38°, ont rendu l’artillerie beaucoup plus performante. Désormais, il est possible de bombarder les forts à une distance de 3 500 m et de réaliser des brèches dans le mur d’escarpe (par exemple au siège de Strasbourg). Ces progrès évitent les opérations classiques de siège, selon la méthode du maréchal de Vauban, qui sont très coûteuses en vie.

L’extrémité Est de la colline de Cormeilles est occupée par les Prussiens du 4e corps et des retranchements pour pièces d’artillerie de siège sont réalisés sur les buttes Vachon, Balmont et Orgemont.

Le 27 décembre 1870, les forts sont bombardés, puis le 5 janvier, c’est le cœur de la ville qui est touché. Paris, affamé et bombardé, capitule le 28 janvier 1870 après 135 jours de siège.

Le traité de Francfort, du 10 mai 1871, met fin à la guerre franco-prussienne. La France est amputée de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine et doit verser une somme de 5 milliards de franc-or.

Au lendemain de la guerre, la population parisienne manifeste et exige la création d’une nouvelle ceinture de fortifications pour mettre la capitale à l’abri d’un bombardement.

Le général Séré de Rivières, membre du Comité de défense et directeur du Service du génie auprès du ministre de la Guerre, propose un nouveau concept de défense. Le « système Séré de Rivière » voit le jour.

Construction

Le fort de Cormeilles est le premier chantier ouvert pour la réalisation des nouvelles défenses de Paris. Sa proximité avec capitale le désignera comme « fort témoin » pour que les officiels venant le visiter puissent découvrir le « système Séré de Rivières ».

Il forme, avec les ouvrages annexes du plateau de Cormeilles-Sannois, l’un des plus grands ensembles fortifiés du camp retranché de Paris Ils comptent 113 pièces d’artillerie servies par 1 247 hommes.

Le chantier sera ouvert le 1er juillet 1874 et fermé le 31 décembre 1877, soit une durée de trois ans et demi de construction.

Poste anti-aérien sur un des cavaliers du Fort

Le fort de Cormeilles occupe le sommet d’un mamelon de forme tronconique (168 m) situé à l’extrémité Ouest de la colline de Cormeilles. De ce mamelon, dénudé en 1874, nous pouvions découvrir un panorama de 280° qui s’étendait depuis l’arc de triomphe jusqu’au village de Montlignon Cela en faisait une position stratégique de premier ordre. Un peu avant 1914, la colline a été entièrement reboisée.

La mission du plateau fortifié de Cormeilles-Sannois est :

  • D’une part, de barrer le pied de la presqu’île de Houilles, qui est une plaine maraîchère indispensable pour accueillir et nourrir une armée repliée sous Paris et,
  • D’autre part, d’interdire à l’ennemi toute circulation sur les voies ferrées allant à Poissy, Conflans-Sainte-Honorine, Pontoise et L’Isle-Adam.

Les feux de l’artillerie contrôlent les débouchés des forêts de Saint-Germain-en-Laye et de Montmorency, ainsi que les plaines d’Herblay, Bessancourt, Pierrelaye et Eaubonne.

Lors des opérations d’expropriation des terrains, l’on peut noter la forte opposition de la mairie de Cormeilles qui n’accepte pas le prix d’achat du terrain proposé par le Service du génie. Elle obtiendra gain de cause après un compromis sur le prix de vente des moellons extraits sur le plateau.

L’accès au plateau de Cormeilles-Sannois est difficile, avec seulement deux chemins de terre qui présentent de fortes déclivités. Le choix du moyen d’acheminement des matériaux était problématique. Finalement, le Service du génie optera pour la création d’une voie de chemin de fer étroite qui partira des carrières de calcaire de Sartrouville, longera la Seine jusqu’à La Frette, puis amorcera la montée de la terrasse de la Seine vers le fort et obliquera vers l’entrée du village de Montigny. À partir de ce point, il faudra trois points de rebroussement pour gravir le flanc de la colline.

Un quai de déchargement sera créé en bordure de Seine, à La Frette, pour la livraison de matériaux par péniches (moellons de Neuville).

Une pompe, commandée par une machine à vapeur d’une puissance de 10 CV, sera installée devant la mairie de La Frette pour envoyer de l’eau de Seine sous pression jusqu’au réservoir du chantier du fort.

Toutefois, le mortier des maçonneries du fort de Cormeilles est à peine sec que survient, en 1885, la crise des obus torpilles (obus au fulmicoton pour les Allemands et obus à la mélinite pour les Français). L’industrie a fait de tels progrès qu’il est maintenant possible de fabriquer des explosifs chimiques très puissants. Les essais de tir effectués sur le fort de La Malmaison avec des obus à la mélinite montrent que les forts maçonnés du général Séré de Rivières ne résistent pas.

C’est le début de l’ère des fortifications en béton, puis un plus tard en béton armé, lorsque l’on aura maîtrisé la technique des fers à béton.

Première guerre

À la déclaration de guerre de 1914, le fort de Cormeilles était armé de 12 canons de 90 et de 10 canons de 120, plus 10 pièces pour le flanquement des fossés. Les pièces d’artillerie seront sorties du fort, en septembre 1914, pour armer des batteries de siège autour du fort. Il ne restera plus dans le fort que les pièces de flanquement des fossés. En 1914, le fort sera classé « centre de résistance » de la zone 1.

En janvier 1915, un poste de défense contre aéronef est installé sur le cavalier, il comprend : deux canons de 75 antiaériens, un canon de 37, deux mitrailleuses et un projecteur de 90 cm.

Dans la nuit du 21 mars 1915, les canons tirent sur un Zeppelin qui revient de Paris et passe au-dessus de Saint Leu-Taverny. Il est touché et plonge immédiatement d’une centaine de mètres mais réussit à se rétablir en larguant du matériel et disparaît dans l’obscurité. Gravement touché, il s’écrase au petit matin à Grugies, village situé au Sud de Saint Quentin.

Seconde Guerre Mondiale.

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le fort de Cormeilles est occupé par une compagnie de la marine allemande « Kriegsmarine » qui y entrepose du matériel pour sous-marins et plus de 500 torpilles.

Le fort est armé de plusieurs canons anti-aériens allemands (Flak) qui abattront un avion allié B-17 Flying Fortress..

Après la reddition du général von Choltitz, gouverneur militaire du « Grand Paris », signée le 25 août 1944 devant le général Leclerc, les troupes allemandes quittent précipitamment le fort de Cormeilles dans la nuit du 25 au 26 août 1944.

Dès le lever du jour, le corps franc F.F.I. du secteur de Montigny, dirigé par le sous-lieutenant Robert Noé, monte au fort et neutralise les deux ouvriers Todt qui étaient chargés de faire exploser les munitions entreposées dans les locaux du fort.

Le 26 août 1944, le fort de Cormeilles devient le PC de la 3e compagnie FFI de Seine-et-Oise.

En 1945, le fort de Cormeilles est retenu pour servir de camp d’internement des prisonniers de guerre de l’axe. D’importants travaux sont réalisés dans la caserne pour transformer le fort en prison. Ces travaux ont profondément modifié l’aspect intérieur de la caserne.

Camp de prisonniers : 1945-1948

Le camp de dépôt n° 221 de Cormeilles dépendait du commandement régional des prisonniers de l’axe et était placé sous la responsabilité de la 308e Compagnie de Garde de Corbeil-Essonnes. En mars 1946, l’on dénombre 4 616 prisonniers dépendant du fort mais tous n’étaient pas internés au fort ; de nombreux prisonniers étaient détachés pour effectuer des travaux agricoles ou industriels dans la région.

Le camp d’internement a été en activité de mi-1945 à fin 1947. Parmi les prisonniers célèbres, nous citerons : le général chargé de la défense du Festung de Brest, Hermann Bernhard Ramcke et le colonel SS Otto von Skorzeny (à confirmer).

Centre pénitentiaire : 1948-1956

Le 26 février 1948, le ministère des armées met à la disposition du ministre de l’Éducation surveillée le fort de Cormeilles qui devient un centre pénitentiaire de 1948 à 1956.

Des fonctionnaires du ministère de la justice continuèrent à loger dans les bâtiments annexes de 1956 à 1960.

À partir de 1962, le fort accueille des militaires algériens qui ont servi dans l’armée française et quelques familles de Harkis.

Centre d’entrainement commando : 1967-1997

En 1967, les militaires réoccupent le fort de Cormeilles qui est affecté au 23e Régiment d’infanterie de Marine de Maisons Lafitte. Le 23e RIMa y crée un centre d’initiation commando avec un « parcours du risque » qui fonctionnera jusqu’au départ de l’armée, en 1997.

Le fort sera ensuite placé sous la garde du 5e régiment d’infanterie du camp de Frileuse, à Beynes, puis du 24e régiment d’infanterie de Vincennes.

En juillet 1997, le ministère de la Défense vend le fort de Cormeilles pour un montant de 3 millions de francs au Conseil Régional d’Île-de-France, via l’Agence Régionale des Espaces verts d’Île-de-France.

Les amis du fort de Cormeilles : 1998-

Un bail a été signé, en 1998, entre « L’Agence Régionale des Espaces verts d’Île-de-France » et l’Association « Les Amis du fort de Cormeilles », pour la préservation et la mise en valeur du site.