Le fort de Cormeilles se situe dans la région Nord-ouest du camp retranché de Paris. Il occupe une position stratégique à l’extrémité Ouest de la colline de Cormeilles qui barre le pied de la presqu’île de Houilles. L’ouvrage appartient au système de fortification dit « polygonal » créé à la fin de la guerre franco-prussienne de 1870-1871. L’artillerie rayée à rendu obsolète les fortifications bastionnées et le nouveau système épouse des formes géométriques simples, sans bastions, avec comme simple obstacle un fossé profond et étroit

La mission du fort de Cormeilles est de contrôler la presqu’île de Saint-Germain-en-Laye, de surveiller la lisière Sud du plateau de la forêt de Montmorency et d’interdire la circulation sur les voies stratégiques et plus particulièrement sur les quatre voies ferrées de la région Nord-ouest. Le fort de Cormeilles croise ses feux avec le réduit de Marly et le fort de Montlignon.

Dans la fortification polygonale, nous avons deux types d’ouvrage : les forts à cavalier et les forts à massif central. Les deux types de fort possèdent chacun deux lignes de défense : une ligne qui porte l’artillerie de longue portée et une ligne où prend position l’infanterie pour la défense rapprochée de l’ouvrage.

Dans un fort à cavalier, nous trouvons au centre de l’ouvrage un énorme massif de terre appelé « cavalier », d’une hauteur de 12 m, qui sert, d’une part : à abriter des bombardements le casernement, les magasins à poudre, les citernes, les traverses-abris et, d’autre part : à porter les pièces d’artillerie de longue portée. Devant le cavalier, nous avons le rempart bas de 4,50 m de hauteur, qui se déroule tout le long de l’escarpe et accueille l’infanterie.

Dans les forts à massif central, les deux lignes de défense sont inversées. Le « massif central » remplace le rempart bas et porte l’artillerie de longue portée, tandis que le rempart haut occupe l’emplacement du cavalier et accueille l’infanterie.

Le fort de Cormeilles est du type « à cavalier » avec une crète de tir d’une longueur de 312 m et une hauteur de 15 m, qui peut recevoir jusqu’à 17 pièces d’artillerie de longue portée. Le rempart bas a une crête de tir d’une longueur de 881 m et une hauteur de 9 m, il est destinée à l’infanterie, mais il peut être armée provisoirement de 22 pièces d’artillerie de moyenne portée.

L’ouvrage a une forme quadrangulaire comprenant : une gorge, un flanc et deux fronts. Il est entouré d’un obstacle de protection constitué : d’un mur de contrescarpe ( 1 242 m), d’un fossé (1 200 m) et d’un mur d’escarpe (913 m – hors entrée et caponnières). La surface intra-muros du fort est de 7 h 13 a.

Les fossés sont défendus par des nouveaux ouvrages placés dans le fossé, en verrue du mur d’escarpe, que l’on appelle « caponnières ». Le rôle de ces caponnières, qui sont armées d’un canon et d’une mitrailleuse, est d’interdire toute intrusion de l’ennemi dans le fossé.

Comme à l’époque médiévale, le point le plus sensible est l’entrée de l’ouvrage qui peut être attaquée par surprise. Cette entrée est fortement défendue par plusieurs dispositifs de protection. L’on trouve tout d’abord une porte blindée dans le mur de contrescarpe et l’accès à la porte du mur d’escarpe est placé sous le tir croisé des créneaux de tir des chambres de fusillade et de la caponnière de gorge.

La poterne d’entrée du fort est protégée successivement par : une grille, une fosse appelée « haha » et une porte blindée roulante. Un « haha » est une fosse qui coupe un passage pour en interdire l’accès. Pour entrer dans le fort, un plancher mobile monté sur quatre boitiers de roues de wagon et roulant sur des rails est amené au-dessus de la fosse. En cas d’alerte, le plancher mobile est translaté latéralement à l’aide d’un cabestan et remisé dans une casemate adjacente. La fosse du haha occupe la largeur de l’entrée, elle est longue de 3,60 m et profonde de 3,85 m.

À l’intérieur du fort, l’on trouve deux grands bâtiments d’habitation, le pavillon et la caserne. Le pavillon compte trois parties principales : la partie gauche sert à l’ambulance qui peut accueillir 78 malades, la partie droite sert à l’hébergement de 36 officiers et à la partie centrale, l’on trouve : au rez-de-chaussée, le grand passage central qui mène à la caserne, au premier étage, l’appartement du commandant d’armes du fort et au second étage, la chapelle.

Le fort de Cormeilles est le seul ouvrage du programme de fortification du général Séré de Rivières qui possède une chapelle qui était prévue sur les plans du grand atlas.

La caserne assure l’hébergement de 1 096 hommes de troupe qui sont logés dans 21 chambres situées aux premier et deuxième étages du bâtiment. Les chambres ont une capacité de 56 hommes et 40 hommes selon la configuration des lieux, ce qui nécessite l’emploi de lits à quatre places et deux niveaux.

Au rez-de-chaussée de la caserne, l’on trouve les différents services nécessaires à la vie de la garnison du fort : la cuisine, la manutention, la paneterie, le service des subsistances, le hall de décharge­ment équipé d’un pont roulant de capacité de 2 x 6 t, les magasins de l’artillerie et du génie et les lavabos.

Les forts du camp retranché de Paris ont été conçus pour soutenir un siège de 90 jours et ils disposent des locaux nécessaires pour le stockage des vivres et des munitions.

Afin de répondre à cet objectif, le fort de Cormeilles est pourvu de :

  • 292 m2 pour le stockage : de 55,3 tonnes de vivres, 70,4 tonnes de farine, 12 825 litres de boisson et 9 675 litres d’alcool ;
  • 2 fours à pain d’une capacité de 180 rations qui produisent 1 511 rations par jour (pain de table et de soupe = 1 kg/homme) ;
  • 2 citernes d’eau d’une capacité totale de 604 m3 qui sont alimentées en eau de ville ;
  • 2 magasins à poudre pour le stockage de 173,3 t de poudres noires et de gargousses ;
  • 725 caisses de 1512 cartouches représentant un total de 1 096 000 cartouches.

Le pavillon :

Après avoir parcouru les 40 m de la sombre poterne d’entrée, vous découvrez soudainement, dans son halo de lumière, l’élégante façade du pavillon enchâssée dans son écrin de verdure. La décoration et la polychromie de la façade, avec l’emploi d’appareillages de calcaire et de briques, séduisent le regard. La façade est couronnée par une magnifique corniche architravée portant des modillons. Mais, c’est la travée centrale du pavillon de style néo-byzantin qui fixe l’attention. La beauté de la travée est soulignée par les fenêtres géminées et plus particulièrement celles du deuxième étage avec des remplages. Les chambranles qui entourent les fenêtres géminées des deux niveaux, ainsi que la nervure qui part de l’agrafe en forme de volute sur la clef de voûte du passage central et monte jusqu’à la sculpture des armes du Génie, donnent de la hauteur de la légèreté au pavillon. Cette impression est accentuée par le fait que la travée centrale est encadrée par des pilastres doubles (escalier), que sa largeur est plus étroite et que le cordon est interrompu. Tout cela concourt à donner de l’élancement à la travée centrale, ce qui compense la longueur du pavillon.

La façade présente une longueur de 56 m pour une hauteur de 12,35 m. Le rapport de la longueur sur la largeur est de 4,5, ce qui classe le bâtiment parmi les grands édifices.

De l’avis des spécialistes de la fortification polygonale, le fort de Cormeilles est le plus beau parmi les 250 forts construits entre 1874 et 1890.

La caserne :

La caserne est le plus grand bâtiment du fort et l’on reste impressionné par l’enfilade des travées qui se succèdent pour former cette immense façade d’une longueur de 92 m et d’une hauteur de 11,48 m. Le rapport de la longueur sur la hauteur est égal à 8, ce qui en fait un bâtiment exceptionnel.

Comme avec le pavillon, la caserne est enchâssée dans un massif de terre qui protège la construction des bombardements.

Le mode de construction de la caserne est semblable à celui du pavillon, mais la décoration est beaucoup plus sobre, la corniche architravée est réduite à sa plus simple expression, et les pierres à bossage sont laissées brutes. La brique n’est utilisée que dans la réalisation des chambranles et des couvertes, en alternance avec des lancis en moellons à table et bossage.

Le bâtiment est constitué de 11 travées, à 3 niveaux, il est conçu pour héberger, au rez-de-chaussée, les services nécessaires à la vie de la garnison et aux étages, 21 chambres pour loger les hommes de troupe.

Avec un bâtiment à trois niveaux, le rez-de-chaussée se trouve encastré de 3,13 m sous le niveau naturel du sol, en conséquence, la gaine technique traverse la caserne en empruntant le couloir du fond du premier étage.

Au rez-de-chaussée de la travée centrale, nous avons un hall de déchargement d’une hauteur sous clef de 6 m (2 niveaux), équipé d’un pont roulant de capacité 2 x 6 tonnes, qui permet la manutention des matériels d’artillerie et de charger des chariots plateformes circulants sur la voie ferrée métrique de la gaine technique du premier étage.

Le dessus de la caserne porte localement cinq traverses-abris à deux niveaux. L’ensemble caserne et traverses-abris est une structure composée de 5 niveaux et d’une hauteur de 20,53 m. Le point haut du fort est à la côte de 185,40 m, ce qui représente une différence d’altitude de 120 m par rapport au carrefour de la patte d’oie d’Herblay.

Les traverses-abris :

Sur le dessus du cavalier, nous trouvons 11 traverses-abris dont le rôle est de protéger les servants et les pièces d’artillerie lors des bombardements. Elles sont espacées entre 21,10 m et 22,50 m, ce qui permet de placer une pièce d’artillerie, à ciel ouvert, entre deux traverses. La couronne de la traverse-abri se situe à 2,30 m au-dessus de la crête de tir, ce qui protège les pièces des tirs d’enfilade et d‘écharpe. En cas de bombardements, les servants se réfugient dans les traverses-abris, en empruntant des couloirs créés de chaque côté des casemates. Les traverses-abris possèdent 4 niveaux (5 niveaux à la caserne) et elles sont équipées d’un monte-charge d’une capacité de 10 tonnes qui assure le levage du matériel d’artillerie depuis la gaine technique jusqu’au niveau de l’abri. Sous le plancher de l’abri, nous avons un local appelé « sainte-barbe » qui sert au stockage des obus et des gargousses.

À noter que dans le pan coupé du cavalier, les traverses sont espacées de 24 m afin de placer deux pièces d’artillerie, à ciel ouvert et côte à côte.

Sur le rempart bas, nous trouvons 16 traverses-abris, à deux niveaux, réparties principalement sur les fronts Ouest et Nord. Elles sont destinées à la protection des fantassins en position sur le rempart, lors des bombardements. Dans le fond de l’abri, une sainte-barbe sert au stockage des munitions. Des pièces d’artillerie de moyenne portée peuvent être mises en batterie sur le rempart bas afin de concourir à la défense rapprochée du fort.

Le front Nord :

Le front Nord du fort de Cormeilles est l’un des plus grand front que l’on puisse trouver dans les ouvrages Séré de Rivières, la magistrale de construction mesure 291 m de longueur. Le front fait face à la lisière Sud du plateau de la forêt de Montmorency, qui est à la cote 183 m et à une distance de 5 700 m du plateau de Cormeilles-Sannois, à la cote 168 m.

La lisière de la forêt de Montmorency est une position stratégique pour l’artillerie ennemie, car les conditions sont optimales pour bombarder le plateau fortifié de Cormeilles-Sannois.

Les essais d’homologation du canon révolver Hotchkiss ont été réalisés dans le fossé Nord du fort de Cormeilles, principalement pour la longueur du fossé.